Nathanael Berkeley | Terminé

Il était 15HOO, on était dimanche. Rose avait passé la matinée à réfléchir à une nouvelle histoire qu'elle voulait écrire. Après avoir prit son déjeuner, elle était allée dans sa chambre pour se changer : elle avait enfilé un chemisier vert anis à manches courtes et un pantacourt banc. A ses pieds, elle avait choisi de mettre des converses blanches également. C'était une tenue passe-partout comme elle avait l'habitude de porter. A présent, elle marchait vers le théâtre de l'académie, un livre sous le bras. C'était la célèbre pièce de théâtre Phèdre, de Racine. Rose, en tant qu' écrivain, aimait beaucoup le théâtre. Très discrète et assez solitaire, la jeune femme n'aimait pas être le centre d'attention et pour elle, faire du théâtre était absolument impensable. Néanmoins, il lui arrivait parfois de jouer quelques pièces quand elle était seule, juste pour le plaisir. Elle s'en sortait plutôt bien, elle avait une bonne mémoire, mettait le ton, ... Bref, aujourd'hui, elle avait décidé de jouer une partie de la pièce Phèdre, à la seule condition de trouver le théâtre complètement vide. Elle ne tarda pas à arriver devant le bâtiment.

Rose ouvrit discrètement la porte et jeta un rapide coup d'œil à l'intérieur : le théâtre était désert. Il n'y avait pas âme qui vive. Satisfaite, Rose traversa la grande allée menant à la scène puis, une fois sur celle-ci, elle feuilleta rapidement le livre, à la recherche d'un passage qu'elle voulait jouer. Elle choisit un des passages de l'acte I, scène 3. C'est le moment où Phèdre avoue à Oenone son amour pour Hippolyte. C'est un passage particulièrement dramatique. Rose posa son livre par terre, à ses pieds et commença à jouer le texte :

- Mon mal vient de plus loin. A peine au fils d’Egée
Sous les lois de l’hymen, je m’étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi ;
Athènes me montra mon superbe ennemi.
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler ;
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables.
Par des vœux assidus je crus les détourner :
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée.
D’un incurable amour remèdes impuissants !
En vain …

Elle s'interrompit brusquement et rougit. Elle avait l'impression d'être observée. Rose ne se trompait pas : elle remarqua un jeune homme, assis à un bout de la troisième rangée de gradins. Il l'observait. Et elle le reconnut : c'était Nathan Daniels, ce jeune homme qui l'inspirait tellement lorsqu'elle écrivait ... Rose ne pouvait plus rien dire : elle était gênée, terriblement gênée. C'est pourquoi, elle se contenta de le regarder, debout au milieu de la scène, les bras ballants.